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Corinne, professeure de technologie au collège

Le 29 mars 2018
Éducation numérique

L’ordinateur en classe, une évidence certes, mais pour les élèves, un outil à apprivoiser

Corinne, professeure de technologie au collège, en région parisienne 

“L’ordinateur en classe, une évidence certes, mais pour les élèves, un outil à apprivoiser” 

Première épisode : mercredi 29 mars : Corinne et son approche de la techno - S'approprier une démarche

Deuxième épisode : jeudi 30 mars : Programmation en classe et au brevet, pour exercer son sens logique
 

Depuis 6 ans, Corinne enseigne la technologie au collège. Avant, elle était architecte.
Qu’elle apprenne aux enfants à prendre en main un ordinateur, qu’elle les initie à la programmation ou... à la construction d’un pont en chamallow et spaghettis, elle insiste toujours sur le rôle primordial de la lecture et le travail collectif. 

 

Mercredi 29 mars

Comment vois-tu ton métier ?

L’enseignement de technologie, une « initiation aux sciences de l'ingénieur »

« Dans mon métier, il y a une dimension d’ingénierie, une dimension socio-culturelle et une dimension scientifique. » Durant l’année, l’enseignante et ses élèves doivent défricher trois grandes thématiques - le design, la modélisation et les objets techniques - et aborder l’informatique en acquérant notamment des méthodes qui construisent la pensée algorithmique (le déclenchement d’un ou plusieurs événement(s), les notions de temporalité du déroulement d’un programme)… »

 

Avant tout, les amener à s'approprier une démarche

Ma mission telle que je la vois : leur apprendre avant tout à réfléchir, à « faire quelque chose » : nous faisons de la théorie et des exercices en classe bien sûr mais je veux qu’ils arrivent à s’approprier une démarche ». Le professeur de technologie a aussi pour rôle de démontrer que tout n’est pas magique, que l’ordinateur ne fonctionne pas seul, « par miracle ». « Particulièrement aux 3e, j’explique la notion de « processus » du projet : tu as une idée, tu vérifies sa pertinence, tu travailles sur le cahier des charges puis tu la mets en forme et tu la réalises. » Cela donne un aspect concret à l’approche. « La technologie, on peut dire que c’est de l’initiation aux sciences de l’ingénieur en mode projets collectifs. »

 

Quel usage fais-tu de l'ordinateur ?

S’appuyer sur l'ordinateur en classe, une évidence... 

L’informatique a accompagné Corinne depuis l’enfance : quand elle racontait, à la fin des années 60, que son père était informaticien, personne ne savait ce que cela voulait dire. Il était ingénieur programmeur. Plus tard, devenue architecte, elle a vu arriver le logiciel Autocad et vite compris l’intérêt qu’il pouvait présenter dans la gestion des tâches répétitives (les textes, cotations, épaisseurs de trait) et pour les modifications qui étaient traitées en grattant le calque avec des lames de rasoir.
Lorsqu’après 10 ans de bénévolat dans une association de soutien scolaire, elle a sauté le pas et rejoint l’enseignement, elle a logiquement intégré l’ordinateur dans son approche, comme une évidence. 

 

... qui passe par une éducation à l'utilisation réfléchie et efficace de la « machine »

Mais avec pragmatisme : « Les parents nous disent souvent que leurs enfants se servent beaucoup mieux de l’informatique que leur génération. Et pourtant... : lorsque les collégiens font une recherche sur google, la plupart d’entre eux ne va pas jusqu’à la page deux des résultats. Je dois aussi leur expliquer que si leur recherche n’aboutit pas, c’est qu’il faut peut-être changer de mot clé. Il y a tout un apprentissage d’efficacité avec la machine à mener ». Parfois des élèves l’interpellent en classe, paniqués de ce que l’ordinateur affiche un message d’erreur... « Je leur demande de me lire le texte qui apparaît et souvent, ils résolvent d’eux-même le problème ». C’est aussi une manière d’apprendre à se servir de l’ordinateur : « il faut faire l’effort de tout lire, de comprendre et... ne pas cliquer systématiquement sur “ok” pour faire disparaître le message.» 

À laquelle tous n'ont pas toujours accès à la maison 

Quant à l’accessibilité à l’informatique à la maison, il est variable : « je travaille dans un quartier où il n’y a pas trop de difficultés financières. Si les élèves ont tous ou presque internet sur le téléphone, ils sont en moyenne un ou deux par classe à ne pas avoir d’ordinateur à la maison. Dans mon collège précédent, rares étaient ceux qui en avaient un. » Une donnée à prendre en compte ! Dans son nouvel établissement, en plus des dix postes fixes, Corinne disposera bientôt d’une « classe mobile »*. Elle aime à faire travailler les élèves par deux, d’abord pour marquer la différence avec la maison mais aussi parce qu’ainsi «l’élève est obligé de travailler en équipe, de raisonner, de gérer avec son camarade la répartition du travail. »

 

Première leçon : vérification des sources sur Internet 

Parmi les premiers enseignements de l’année, des exercices sur l’importance de connaître et de vérifier ses sources sur internet : « je propose trois articles aux élèves et leur demande d’évaluer leur fiabilité en les incitant à se renseigner sur le support cité. » Les résultats sont édifiants : la plupart du temps, ils vont chercher des réponses alambiquées (mettre un portable dans un micro-onde ne serait dangereux que s’il contient du métal par exemple...) en cherchant à justifier le texte, plutôt que de se renseigner sur l’émetteur du texte. « Ils vont disserter sur une nouvelle du Gorafi comme s’il s’agissait d’un article du Monde. »  
 

 

Jeudi 30 mars

Quelle pratique de la programmation en classe ? 

Apprendre à coder : une manière ludique d’exercer le sens logique des élèves...
Depuis la réforme du collège à la rentrée 2016, les élèves doivent apprendre à « coder » avec le logiciel Scratch. Ils se servent d’un logiciel similaire en mathématiques. « Nous ne sommes pas là pour leur enseigner un logiciel en particulier mais pour les amener à appréhender un process, à comprendre comment l’utiliser » précise Corinne qui a choisi de suivre une formation dédiée pour exploiter au maximum ce nouvel outil. 

Au début de l’année, elle a initié à Scratch toutes ses classes. Peu à peu, les enfants apprennent à créer de petits programmes : des instructions rédigées en français, assemblées en « briques » permettent de manipuler des objets, des sons, des vidéos et... de remplir des « missions » : placer un plongeur sous la mer, lui faire faire des bulles, dire quelque chose... « C’esttrès ludique, à tel point que les enfants ne se rendent parfois pas compte qu’ils sont en train d’exercer leur sens logique. » constate Corinne. 
 

... testé dès le brevet et à travers des concours proposés par la communauté scientifique
Et pourtant, le nouveau brevet comporte une épreuve de sciences (deux disciplines, prises au hasard : technologie, physique-chimie ou SVT) qui s’appuie sur le travail de toute la scolarité. « Dans mes examens blancs, je prévois par exemple une épreuve de débogage : les élèves auront à analyser des lignes de commandes et à expliquer pourquoi selon eux, cela ne marche pas ». Ou encore à réaliser des algorigrammes, de petits exercices de programmation permettant d’agir sur un lave-vaisselle ou un éclairage. « Comme lorsqu'on utilise Scratch, il y a un début (ou drapeau vert) et une fin, ou un retour à zéro ». 

Un point de rencontre entre maths et technologie

Les enseignants travaillent également ensemble sur certains projets avec l’aide de supports proposés par la communauté scientifique : « avec les professeurs de mathématiques, nous avons fait passer le concours Castor Informatique aux élèves. J’ai d’abord effectué un entraînement en classe de technologie puis ils ont passé le concours en demi-groupes en maths. Dans le même esprit, j’ai proposé à des enfants de participer à Alkindi, une compétition de cryptographie ouverte de la 4e à la seconde. Il s’agit cette fois de décrypter des textes codés. Des élèves de 5e ont souhaité participer tout en sachant qu’ils ne pouvaient pas gagner : ils sont venus à 8 heures au collège volontairement et s’en sont très bien sortis ! ». 

Derrière le jeu, une manière d’organiser sa pensée de manière logique, un art de la concentration et... le rôle clé d’une bonne lecture et analyse des instructions : autant de compétences utiles aux futurs ingénieurs mais aussi à nombre d’entre nous !